Morgante
Morgante relate l’histoire d’individus liés entre eux par un commun dénominateur : êtres nains. Favori de Cosme 1er de Toscane, au XVIeme siècle, Morgante, éponyme du poème de Luigi Pulci, surnommé ironiquement le Géant, , est le plus célèbre des cinq nains de la cour des Médicis à Florence. Ce nain, fut toujours représenté dans le goût de l’époque selon l’iconographie du monstrum. Des tableaux de Bronzino, en passant par les sculptures de Giambologna, le nain Morgante, déshumanisé et dépouillé de son individualité, devient progressivement une idée, un archétype, la loupe à travers laquelle la famille humaine regarde la diversité au fil des siècles.
À partir de cette correspondance littéraire et iconographique, le photographe raconte une historie alternative et apporte un autre point de vue sur la raprésentation de la diversité. Les nains sont une catégorie de personnes complètement marginalisées dans certains pays. En Afrique, souvent associées à la sorcellerie, les personnes affectées par le nanisme vivent dans un état de semi clandestinité, quotidiennement confrontées à toutes sortes de violences psychologiques. Sur ce continent, seul deux pays disposent actuellement d’une structure luttant pour la reconnaissance des droits des personnes de petite taille, le Mali et le Cameroun.
À la suite d’un échange épistolaire avec Lyne, la présidente de l’Ascappt (l’Association Camerounaise de Personnes de Petite Taille), le photographe s'est rendu au Cameroun pendant l’hiver 2009, afin de rendre compte de leur situation sociale, suscitant au mieux de l’indifférence, au pire du mépris et de la crainte. Ne bénéficiant pas de prise en charge de la part de l’état, la plupart de ces personnes vivent dans une grande précarité. Seule leur famille leur vient en aide en les gardant auprès d’eux, et bien que la plupart aient un métier, il leur reste très difficile de l’exercer et d’assumer leur condition de nains dans l’espace public.
Alors que la plupart de la vie sociale sur le continent a lieu à l’extérieur, les personnes de petites tailles vivent souvent recluses et repliées, sinon sur elles-mêmes, du moins sur leur entourage proche. Cette isolation peut commencer dès l’enfance lorsque les familles, par superstition et par peur d’être associée à des actes de sorcellerie, marginalisent leur enfant de petite taille. Les sujets sont saisis dans leur vie privée, à la maison, au travail ou dans la rue. Dans ces clichés, il n’y a pas de victimes, mais des personnes à part entière: chaque sujet photographié fixe l’objectif, comme pour chercher le regard de l’observateur. Il est maître de la scène, acteur et interprète de lui-même.